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Droit des successions

LE REGIME JURIDIQUE DES TRUSTS EN FRANCE

Le trust résulte d'un acte par lequel une personne (le settlor ou constituant) transfère la propriété d'un bien ou d'un ensemble de biens à une autre personne (le trustee) qui aura la responsabilité de les administrer en faveur du ou des bénéficiaires choisis par le propriétaire du ou des biens.

Le trust crée donc une dualité quant à la propriété des biens qui en font l'objet. D'une part, vis à vis des tiers, le trustee est le propriétaire apparent des biens qui lui ont été transférés par le constituant, et il en a le contrôle et la gestion. D'autre part, c'est le bénéficiaire qui est le véritable propriétaire en Equity et il est donc le seul à pouvoir prétendre aux profits générés par les biens constitués en trust. Le trustee a en droit strict toutes les prérogatives d'un véritable propriétaire, mais en équité il se trouve dans l'obligation de gérer les biens au profit du bénéficiaire.

Il existe différentes sortes de trust.

Tout d'abord, le trust peut être simple ou discrétionnaire. On parlera de trust simple quand le trustee joue uniquement le rôle de propriétaire apparent et qu'il doit reverser périodiquement tous les revenus au bénéficiaire. En revanche le trust sera discrétionnaire lorsque le trustee a tous pouvoirs pour gérer les biens et répartir les revenus entre les bénéficiaires.

Le trust peut également être révocable ou irrévocable. Dans le premier cas, le constituant peut mettre fin au trust à tout moment pour retrouver la propriété des biens qu'il avait transférés, alors que dans le second cas le transfert des biens est définitif.

En France, le trust n'est pas reconnu par la loi. Des personnes ont tenté de recourir au trust pour échapper au paiement des droits de succession : en effet lors du décès du constituant, les biens sont déjà sortis de son patrimoine ; ou au paiement de l'impôt de solidarité sur la fortune : les biens constitués en trust ne sont plus la propriété du constituant et ne devraient pas être compris dans son patrimoine pour l'assiette de l'impôt.

Le droit fiscal français n'appréhende le trust que dans des dispositions éparses relatives aux revenus procurés par le trust aux bénéficiaires.

Il a fallu attendre un arrêt du Tribunal de Grande Instance de Nanterre du 4 mai 2004 et un arrêt de la Cour de Cassation du 31 mars 2009 pour avoir un début de réponse s'agissant de l'inclusion des biens constituants le trust dans l'assiette de l'ISF.

Le Tribunal de Grande Instance de Nanterre a jugé le 4 mai 2004 que « la perception de revenus annuels provenant de deux trusts de droit américain ne suffit pas à faire peser sur leur bénéficiaire une quelconque présomption de propriété sur des valeurs mobilières, dès lors que l'administration fiscale n'apporte aucun élément sur la consistance des actifs sous-jacents auxdits trusts, ni la preuve que le bénéficiaire des revenus a des droits réels représentant une valeur patrimoniale. Par conséquent, il n'y a pas lieu de l'assujettir à l'impôt de solidarité sur la fortune en raison de sa qualité de bénéficiaire desdits trusts ».

Par ce jugement, contrairement à la thèse de l'administration fiscale, le Tribunal de Nanterre a estimé que le bénéficiaire d'un trust discrétionnaire ne dispose pas sur les actifs mis en trust d'un droit de propriété taxable à l'impôt sur la fortune.

Cette décision s'explique par le fait que le bénéficiaire d'un trust discrétionnaire ne dispose d'aucun droit réel sur les biens mis en trust qui sont gérés exclusivement par le trustee, ce dernier décidant seul de la distribution des revenus.

La Cour de Cassation a jugé le 31 mars 2009 que « le constituant d'un acte de trust doit être considéré comme ayant un droit de jouissance et de disposition sur les biens objets du trust lorsque l'acte prévoit :

  • que du vivant du constituant les trustees devront détenir les biens dans le trust à son bénéfice et lui payer les revenus en provenant ainsi que tout montant du principal, le cas échéant, sans limitation de montant, qu'il pourra demander à tout moment par écrit ;
  • que le constituant peut révoquer la convention à tout moment et rentrer en possession des biens confiés, ou exiger que tout ou partie du portefeuille soit liquidé, pour en percevoir le prix, ou même que les titres lui soient remis.

Les biens objets du trust doivent alors être inclus dans l'assiette de l'ISF du constituant »

La cour de Cassation dans cet arrêt estime donc que lorsque le trust est révocable et non discrétionnaire, les biens qui en sont l'objet doivent être compris dans le patrimoine taxable du constituant.

Cette décision peut s'expliquer par le fait qu'en présence d'un tel trust, le constituant n'est pas totalement dessaisi des biens objets du trust : il peut percevoir les revenus de ces biens quand il le souhaite et peut même se réapproprier ces biens en révoquant le trust.

L'interprétation a contrario de cet arrêt conduit à penser que les biens objets d'un trust irrévocable et discrétionnaire ne doivent pas être compris dans le patrimoine taxable du constituant. Le constituant d'un tel trust perd en effet tout pouvoir de propriété sur les biens objets du trust et les revenus qu'ils génèrent, ceux-ci sortent définitivement de son patrimoine et il ne peut plus se les réapproprier.

En conclusion, on peut déduire de ces décisions jurisprudentielles récentes que, pour que le trust ne soit pas quantifié de biens entrant dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune ou des droits de succession, deux conditions doivent être réunies :

  • le trust doit être discrétionnaire : la distribution et la répartition des bénéfices générés par les biens doit être laissée à l'entière discrétion du trustee
  • le trust doit être irrévocable : le dessaisissement des biens du constituant au profit du trustee doit être définitif.

Si ces conditions sont réunies, en vertu de cette nouvelle jurisprudence, il semble que les biens objets du trust ne soient taxables au titre de l'ISF et des droits de succession ni dans le patrimoine du constituant, ni dans le patrimoine du bénéficiaire. Le recours au trust présenterait donc un avantage s'il est correctement utilisé.

Il est conseillé de faire appel à Maître Along LEIBA avant de constituer un trust étranger.

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