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DROIT DES VOIES D'EXECUTION

Une plainte avec constitution de partie civile ne constitue pas une circonstance susceptible de menacer le recouvrement d'une créance faisant l'objet d'une requête de saisie conservatoire de droits d'associés, et une créance de dommages et intérêts n'est pas une créance fondée en son principe en application de l'article 67 de la Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution.

Les tribunaux se sont souvent posé la question de savoir s'il était possible d'obtenir une saisie-conservatoire contre un débiteur contre lequel il existerait une plainte pénale avec constitution de partie civile.

L'article 67 de la Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution prévoit que :

« Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire.
»

Il est rappelé que le demandeur doit dans sa requête aux fins de saisie-conservatoire justifier de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance dont il se prévaut*.

En matière contractuelle, le créancier doit présenter au Juge de l'exécution un contrat ou un acte de caution ou tout autre document signé par le débiteur, afin d'apporter la preuve qu'une créance fondée en son principe existe.

En matière pénale, la Cour de cassation a jugé que la mise en examen du prévenu ne justifie pas en elle-même une saisie conservatoire.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé par arrêt en date du 27 juin 2000 qu' « une telle mise en examen ne saurait en aucun cas constituer pour la banque la certitude d'obtenir un titre exécutoire (contre le défendeur), étant observé que jusqu'à l'obtention d'une condamnation définitive ce dernier ne peut que bénéficier de la présomption d'innocence ».

Un arrêt du 14 février 2008 de la Cour d'appel de Paris représente un remarquable pas en avant pour la reconnaissance de la présomption d'innocence parce qu'il interdit au Juge de saisir des biens d'un débiteur contre lequel il existe une plainte pénale avec constitution de partie civile, si le débiteur n'a pas été inculpé ou mis en examen pendant une période substantielle après le dépôt de la plainte.

Ainsi la Cour d'appel de Paris ( 8e chambre) a décidé dans l'arrêt du 14 février 2008 :

« Considérant que la créance alléguée est une créance de dommages et intérêts qui relève de l'appréciation des juges du fond pour autant que la plainte pénale aboutisse à l'inculpation de l'intéressé ; qu'il ne relève pas des pouvoirs du juge de l'exécution de dire si les infractions qui sont reprochées à Monsieur P. sont caractérisées ; que l'appelant conteste les faits délictueux qui lui sont reprochés ; que la procédure d'instruction est en cours et que Monsieur P. n'a toujours pas été mis en examen ; qu'il n'est pas justifié d'un redressement fiscal dû aux agissements supposés de Monsieur P. ; qu'il convient dès lors de constater qu'en l'état Maître M. en qualité de mandataire judiciaire de la Société S. ne justifie pas d'une créance paraissant fondée en son principe à l'encontre de l'appelant ; que le jugement sera infirmé et que mainlevée de la saisie conservatoire sera ordonnée. »

Dans l'arrêt cité, Monsieur P. a été appelé comme témoin assisté dans le cadre d'une procédure pénale initiée contre lui par la victime Monsieur G. ; nonobstant le fait que Monsieur P. n'a pas été mis en examen, Monsieur G. a été autorisé par le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Bobigny à saisir les droits d'associés de Monsieur P.

La Cour a jugé que la créance de Monsieur G. n'est pas fondée dans son principe et que Monsieur P. bénéficie de la présomption d'innocence, dès lors qu'il n'a pas été mis en examen..

La Cour a en outre jugé que le Juge de l'exécution est incapable, voire même inapte, à apprécier si des actes physiques allégués par le créancier fondent ou non une faute ou une infraction pénale si le Juge d'instruction n'a pas mis en examen le débiteur.

En matière délictuelle ou pénale, le créancier doit, comme en matière contractuelle, présenter au Juge de l'exécution une condamnation ou une mise en examen ou tout autre document démontrant l'existence d'une créance fondée dans son principe.

La nécessité de démontrer au moins une mise en examen par le Juge d'Instruction est la condition essentielle, en l'absence de tout autre document signé par le débiteur, pour démontrer l'existence d'une créance fondée dans son principe.

L'obligation de réparation a été ainsi jugée contestable lorsque, par exemple, le fait originaire de l'explosion et de l'incendie n'était pas déterminé, lorsque la facturation du créancier était litigieuse, lorsque la faute médicale des personnes poursuivies n'était pas établie, et lorsque le document produit n'apportait pas de preuve suffisante de l'existence d'un lien de causalité entre l'infraction et le dommage.

La conséquence est que les droits du créancier pour obtenir une saisie conservatoire sont plus rigoureux lorsqu'il agit sur le plan pénal. Dans une procédure civile, c'est le juge de l'exécution qui apprécie si une créance est fondée dans son principe, alors que dans une procédure pénale, cette appréciation est largement influencée par les décisions prises par le Juge d'instruction et par les modalités de l'instruction pénale.

Pour toute assistance dans le cadre de saisies conservatoires, vous pouvez contacter Maître LEIBA.

* Cass. civ. 2ème, n° de pourvoi : 98-19148 Inédit

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